Long travail de persuasion
Madame la Conseillère fédérale, voilà dix ans que le Tribunal administratif fédéral s’est installé dans ses locaux à Saint-Gall. Et ce grâce notamment à votre engagement en première ligne, alors que vous siégiez au gouvernement du canton. Quelle a été la clé de votre réussite?
La solidarité entre les cantons de Suisse orientale a été décisive. En 2000, la ville de Saint-Gall a été invitée par la Confédération à se porter candidate pour accueillir le tribunal. Le Conseil fédéral avait toutefois d’abord choisi Fribourg. Nous avons alors engagé un travail de persuasion durant deux ans auprès des chambres fédérales. La ville l’a emporté parce qu’elle offrait un terrain idéalement situé et à proximité de l’université. Mais la Suisse orientale constituait alors déjà un site économique innovant, avec une qualité de vie élevée. Je crois cependant que l’élément déterminant aura été le front uni des cantons de Suisse orientale et leur alliance avec le Tessin. Ce fut pour moi une découverte de voir comment cette région est ainsi capable de défendre ses intérêts sur la scène nationale.
Lors de l’inauguration en 2012, vous avez qualifié le choix du site comme une décision de « portée politique majeure » par la « décentralisation des institutions fédérales ». Êtes-vous toujours du même avis?
Certainement! La véritable décentralisation est bien davantage que l’expression d’un fédéralisme appliqué, elle en est la condition même. Comme indiqué, nous nous sommes à l’époque associés au Tessin dans le but d’implanter les tribunaux dans des cantons périphériques : le Tribunal administratif fédéral dans l’est de la Suisse, le Tribunal pénal fédéral au sud et – pour des raisons historiques – le Tribunal fédéral à l’ouest. Les tribunaux de la Confédération sont ainsi comme des parenthèses qui entourent le pays. Ils renforcent l’identification avec l’Etat fédéral car la présence physique des institutions également hors de la Berne fédérale leur donne plus de visibilité et de consistance. En même temps, la décentralisation des tribunaux institue cette distance spatiale, voulue sur le plan institutionnel, par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif. Cette distance est centrale dans l’Etat de droit.
Cette « fusion du TAF et de la Suisse centrale » que vous souhaitiez s’est-elle réalisée?
Une partie des juges ainsi que des greffiers et greffières ont visiblement apprécié la beauté et les avantages de la Suisse orientale au point d’y prendre domicile. Pour le reste, il revient plutôt aux collaborateurs et collaboratrices du tribunal de répondre à cette question.
Du haut de ses 15 ans, le Tribunal administratif fédéral est encore un tribunal jeune. Comment le percevez-vous en tant que conseillère fédérale?
Il est vrai que le TAF est une jeune institution, mais il se fonde sur un système juridique solide. Dans la mesure où il a remplacé les commissions fédérales de recours ainsi que les services de recours des départements, sa création a comblé une lacune importante dans le système des autorités judiciaires inférieures du Tribunal fédéral. En sa qualité d’autorité de recours, il joue aujourd’hui un rôle essentiel pour le travail de l’administration. Au sein du DFJP, sa fonction d’instance de recours unique dans le domaine de l’asile est éminente. L’importance de l’institution s’est aussi révélée sensible dans la campagne de vote pour les mesures policières contre le terrorisme, puisque celles-ci peuvent être contestées devant le Tribunal administratif fédéral. Ce système va aider la police à concrétiser sa pratique en application de la loi.
En tant que ministre de la Justice, vous arrive-t-il d’être au TAF ? Ou observez-vous strictement la séparation des pouvoirs?
Je n’ai rien à faire au Tribunal administratif fédéral dans mon rôle de membre du Conseil fédéral. Il n’empêche que je suis invitée à la cérémonie d’anniversaire!
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