La composition des collèges de juges appelés à statuer soumise à l’expertise d’une professeure

La constitution des collèges de juges appelés à statuer au TAF donne lieu à des critiques. Le tribunal souhaite désormais analyser le système appliqué à cet égard avec le concours de Daniela Thurnherr, professeure à l’université de Bâle et juge à titre accessoire. Le rapport indépendant devrait sortir à la mi-janvier 2023

28.07.2022

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Photo : Keystone
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La « composition d’un collège de juges » qualifie la manière de constituer l’organe appelé à statuer dans une cause particulière. A cet égard, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a déjà annoncé au mois de mai sa volonté de soumettre son système de composition des collèges de juges à l’analyse d’un expert (cf. communiqué de presse du 19 mai 2022). Les détails sont désormais connus.

Résultats dans six mois
L’analyse a été confiée à Daniela Thurnherr, professeure de droit procédural public, de droit constitutionnel et de droit administratif à l’université de Bâle. L’intéressée officie également en qualité de juge à titre accessoire à la Cour d’appel du canton de Bâle-Ville et de juge suppléante au Tribunal administratif du canton d’Argovie.

La professeure et docteure en droit sera ainsi amenée à examiner de manière critique, sur les plans juridique et technique/pratique, le système appliqué actuellement par le TAF pour constituer les collèges de juges. L’objectif est de rendre d’ici la mi-janvier 2023 un rapport complété de recommandations pour développer et améliorer le système. Le TAF tient à considérer également dans ce cadre les recommandations formulées par les Commissions de gestion (CdG) dans leur rapport du 22 juin 2021 ainsi que les résultats de l’étude des universités de Berne et Zurich publiée le 16 décembre 2021. De son côté, le tribunal ne voit à ce stade aucune raison de penser que son procédé d’attribution des affaires aux juges viole les règles en vigueur. C’est pourquoi le mandat n’intègre pas d’analyse rétrospective de la manière dont les collèges de juges ont été constitués dans les affaires liquidées.

Le président du tribunal Vito Valenti se montre positif : « Je suis satisfait que nous ayons pu confier ce mandat d’analyse indépendante à une personne d’expérience et de confiance comme Madame Thurnherr. En sa qualité de professeure et juge, elle saura faire le lien entre les exigences juridiques et leur applicabilité pratique et intégrer les deux aspects dans son rapport. » Pour sa part, l’intéressée estime que la composition des collègues de juges est un élément central de la sécurité d’une procédure de droit public: «L’analyse prépare le terrain à la formulation de recommandations utiles pour l’avenir, qui répondent aux exigences constitutionnelles et tiennent compte des fonctions spécifiques du Tribunal administratif fédéral.»

Système critiqué
Ces derniers mois, plusieurs médias ont critiqué le système de composition des collèges de juges appliqué au TAF. Ils condamnent notamment la composante manuelle du mode d’attribution des affaires, la qualifiant de « manipulation ». Mais la traçabilité du procédé de constitution des collèges est aussi décriée. Les attaques visent en premier lieu les deux cours d’asile, soupçonnant que l’appartenance politique des juges pourrait jouer en défaveur des recourants.

 

Professeure et juge
Daniela Thurnherr est professeure de droit procédural public, de droit constitutionnel et de droit administratif à l’université de Bâle depuis mars 2007. Elle officie en outre en tant que juge à titre accessoire à la Cour d’appel du canton de Bâle-Ville et juge suppléante au Tribunal administratif du canton d’Argovie.

Composition des collèges de juges au TAF
La « composition d’un collège de juges » qualifie la manière de constituer l’organe appelé à statuer dans une cause particulière. Au Tribunal administratif fédéral (TAF), les critères pris en compte pour désigner les juges du collège sont définis dans le règlement du tribunal et dans les règlements propres à chacune des six cours. Selon le domaine juridique en question et les prescriptions légales correspondantes (p. ex. délais de traitement), ces critères peuvent varier d’une cour à l’autre.

En général, la formation des collèges appelés à statuer au TAF repose sur deux composantes: l’une automatique et l’autre manuelle. Pour la composante automatique, le tribunal recourt à une application informatique (dite «Bandlimat») qui se base notamment sur les langues de travail des juges, leurs taux d’occupation ou spécialisations. Le système peut même tenir compte des absences de longue durée. La liste des critères réglementaires à considérer est cependant plus longue, et le logiciel d’attribution des affaires ne peut tous les intégrer. C’est pourquoi la composante manuelle apparaît comme une partie intégrante du processus de formation des collèges de juges. Il convient ainsi de modifier le résultat automatique par exemple dans les cas de procédures connexes (procédures liées), de motifs de récusation, de départs de juges (p. ex. à la retraite) ou d’absences à court terme.

Le processus de composition des collèges appelés à statuer ignore expressément l’appartenance politique des juges qui ne constitue donc pas un critère à prendre en compte. Le cas contraire s’inscrirait en contradiction avec le principe de l’indépendance des juges.

Le logiciel d’attribution des affaires constitue pour le TAF un outil important et utile pour désigner les collèges de juges. Par rapport aux autres tribunaux suisses, le degré d’automatisation est déjà très élevé. Le TAF assume ainsi un rôle pionnier à cet égard et s’emploie à développer constamment l’ensemble du processus afin d’exploiter au maximum le potentiel de l’attribution automatique des affaires.