Oser sortir des sentiers battus
Stephanie Rielle, en votre qualité de secrétaire générale, vous codirigez le Tribunal administratif fédéral avec la présidente. Comment vivez-vous ce rôle ?
C’est le poste de direction le plus exigeant que j’aie jamais eu. Je peux gérer le Secrétariat général à la manière d’une entreprise privée. Mais ses structures rendent la direction du tribunal dans son ensemble très complexe. Etant donné que la Cour plénière, la Conférence des présidents (CP) et la Commission administrative (CA) ont des responsabilités et des compétences décisionnelles différentes, la préparation des décisions est chronophage, d’autant plus qu’elle exige généralement de vastes consultations. En contrepartie, ce processus favorise l’acceptation des décisions, ce qui est déterminant pour leur mise en œuvre. Et malgré tous ces défis, je n’ai jamais disposé d’une telle liberté de manœuvre. Par ses idées, initiatives et suggestions, le Secrétariat général peut influencer le devenir du tribunal, ce qui me plaît beaucoup.
Avez-vous toujours aimé diriger ?
Oui, déjà à l’école. J’ai plaisir à m’engager et à défendre des idées et des gens. Ma devise personnelle est : façonner pour ne pas être façonné. J’aime prendre des responsabilités, modeler mon environnement de travail, faire progresser l’organisation et permettre au personnel de donner sa pleine mesure. Autant de choses que je peux faire ici.
Les femmes sont toujours minoritaires aux postes de direction. Vous est-il jamais arrivé d’avoir le sentiment qu’être une femme vous avantageait ou vous désavantageait ?
J’ai majoritairement travaillé au sein d’organes où j’étais la seule femme. Mais cela ne m’a jamais rendu les choses plus difficiles. Je n’ai eu à me battre qu’une seule fois : j’aurais dû être promue à la direction alors que j’étais à un stade de grossesse avancé. Certains collègues masculins estimaient préférable d’attendre mon retour de congé de maternité. À l’époque, le monde professionnel n’était pas très compréhensif à l’égard des mères ; les horaires flexibles, le temps partiel aux postes de direction et le télétravail n’existaient pas. Les conditions-cadres pour les femmes occupant des postes à responsabilité sont nettement plus favorables aujourd’hui.
«Je n’ai eu à me battre qu’une seule fois : j’aurais dû être promue à la direction alors que j’étais à un stade de grossesse avancé. Certains collègues masculins estimaient préférable d’attendre mon retour de congé de maternité»
Stephanie Rielle
Les femmes dirigent-elles différemment des hommes?
Non, absolument pas. Il y a de bons et de moins bons cadres supérieurs indifféremment parmi les hommes ou les femmes. Mais j’ai constaté à maintes reprises que les femmes prennent souvent des décisions courageuses, voire pénibles, et les mettent en œuvre. À mon sens, une bonne mixité est importante au sein des organes de gouvernance, parce que cela améliore la qualité des débats et le résultat des décisions prises par la direction.
Selon vous, pourquoi les femmes sont-elles toujours moins nombreuses que les hommes au sein des directions?
À ces postes, il y a régulièrement des moments où il faut serrer les dents. Il m’est arrivé et m’arrive encore de devoir faire passer ma vie de famille au second plan. Or je constate aujourd’hui que les hommes sont eux aussi plus réticents à sacrifier leur vie privée. Ils pourraient l’envisager si quelqu’un était prêt à les épauler au détriment de sa propre carrière, et ce modèle est dépassé. En outre, des étapes professionnelles importantes se jouent durant la trentaine et, si l’on a des enfants à la même période, tout concilier relève de l’exploit. Par ailleurs, les femmes sont plus enclines que les hommes à douter d’elles-mêmes et de leurs compétences. En général, leur réseau relationnel est également plus restreint.
Que conseillez-vous aux femmes pressenties pour un poste de direction ou qui en visent un ?
De ne pas se poser trop de questions et de foncer. Elles ne doivent pas perdre de vue leurs points forts. Les femmes veulent souvent que tout soit parfait à 150 %. Il m’est arrivé aussi d’en vouloir trop, trop vite et de refuser les compromis. La volonté de faire bouger les choses est importante, mais il ne faut pas surcharger le système. Bien sûr, oser sortir des sentiers battus exige du courage, mais cela en vaut la peine !
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